

Diocèse de Papeete
"Par la Loi, je suis mort à la Loi afin de vivre pour Dieu ; avec le Christ, je suis crucifié. Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi... "Ga 2, 19-20

Mission catholique
Archidiocèse de Papeete
Communiqué diocésain n° 10 du mercredi 8 mars 2023
REGARD SUR L’ACTUALITÉ
"PARDONNE-NOUS COMME NOUS PARDONNONS"
Lors de la retraite sacerdotale qui réunit la semaine dernière 27 prêtres de notre diocèse, du diocèse des Marquises ainsi que l’aumônier du diocèse aux armées, nous avons été invités à réfléchir sur la miséricorde, une miséricorde à accueillir en reconnaissant que nous sommes pêcheurs, une miséricorde à contempler en voyant Jésus agir, une miséricorde à célébrer en célébrant l’amour de Dieu, une miséricorde à vivre dans notre existence de chaque jour. En effet, le Carême nous presse de nous laisser réconcilier avec Dieu. Or, cette démarche de réconciliation ne peut se faire qu’à la lumière de ces paroles du « Notre Père » : « Pardonne-nous comme nous pardonnons », des paroles qui nous parlent de miséricorde. Cela veut dire que nous ne saurions nous satisfaire d’une réconciliation avec Dieu sans chercher dans le même temps à nous réconcilier avec nos frères. Il importe pour cela de bien comprendre ce que signifie pardonner et faire miséricorde.
Dans le cas d’une offense faite à quelqu’un, deux conséquences se produisent : une blessure dans le coeur de celui qui a été offensé et une rupture entre l’offenseur et l’offensé : on ne se parle plus, on se montre le poing, on s’insulte, on cherche à nuire à l’autre… Comment alors peut fonctionner une démarche de pardon et de réconciliation ? D’abord, il faut se dire que le pardon ne supprime pas la blessure, elle demeure. Mais le pardon peut effacer les conséquences de la blessure : on se reparle, on repart ensemble, on se tend la main etc… Pour que le pardon puisse fonctionner, l’offenseur doit reconnaître le mal qu’il a fait volontairement ou involontairement, et en accepter la responsabilité… « Contre toi et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal, à tes yeux, je l’ai fait ! » (Ps 50,6). Ainsi, à cette condition, la dynamique du pardon pourra fonctionner. Pardonner n’est pas un acte de faiblesse, comme on pourrait le croire. C’est un acte de courage et de foi en l’avenir, c’est dire à l’autre que l’on croit en lui, en sa capacité et son désir de devenir meilleur, qu’on ne l’identifie pas à un acte qu’il aurait commis, qu’on le croit capable d’aimer, de progresser, c’est lui donner une chance, lui ouvrir un avenir. C’est aussi couper net la spirale de la vengeance qui ronge le coeur, qui entraîne à la mort, c’est refuser de se laisse posséder par des pensées de vengeance au point d’en devenir esclave.
Convenons que le pardon et l’amour des ennemis est difficile à pratiquer. L’idéal et la réalité sont souvent bien éloignés l’un de l’autre ! Mais si nous restons au niveau de notre réalité quotidienne, la question du pardon peut se poser pour un membre de notre famille, un voisin insupportable, un rival dans le milieu professionnel, ou en politique. Elle se pose également souvent au sein de nos communautés chrétiennes, nos paroisses, nos groupes de rosaire, et même parfois, hélas, entre prêtres ! Nous pouvons être confrontés à des situations de concurrence, de jalousie, d’injustice… Alors se pose la question : l’amour des ennemis est-il vraiment réaliste ? Ne dépasse-t-il pas nos forces humaines ? Comment une mère peut-elle aimer le meurtrier de son enfant ? Peut-elle lui pardonner ? Certes, la justice des hommes, bien que parfois imparfaite comme tout ce qui est humain, est nécessaire. Mais si elle traite des faits, elle n’intervient pas dans les coeurs. Et c’est précisément dans le coeur que nait la soif de vengeance, le désir de se faire justice, de faire payer à l’autre ce qu’il nous a fait, de faire disparaitre celui qui nous a fait du tort.
Où allons-nous s’il n’y a pas de pardon, si nous répondons à la violence par la violence, si la soif de vengeance envahit notre coeur ? Devant le spectacle du monde, ses tragédies, ses guerres et ses divisions, la miséricorde et le pardon, bien que dépassant les forces humaines semblent cependant être ce qu’il y a de plus raisonnable. En effet, ce n’est qu’en acceptant de se tendre la main, de passer par-dessus les vieilles rancunes et les offenses, en acceptant de demander pardon et de pardonner qu’il sera possible de mettre fin aux déchirements qui divisent parfois les familles, les communautés, les paroisses, de mettre fin aux conflits qui empoisonnent la vie quotidienne. Alors nous pourrons stopper la spirale infernale de la vengeance et laisser la paix qui nous vient du Christ pacifier nos coeurs et nos relations avec nos frères et soeurs. Que temps de Carême nous y aide !
+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU